Par Sylvie Simon,
Journaliste française
La société civile se mobilise enfin contre le gaz et pétrole de schiste, une nouvelle et « brillante idée de génie » qui sera la catastrophe de demain avec un risque sanitaire et environnemental jamais égalé, si ce projet industriel à grande échelle arrive à ses fins.
Heureusement, l'opposition aux gaz de schiste, autorisés par notre ex ministre de l’écologie, Jean-Louis Borlo, s’est diffusée dans toutes les familles politiques. Le 28 mars, Christian Jacob, patron des députés UMP, s'est exprimé très clairement contre toute exploitation des gaz de schiste en France en demandant à ce que le moratoire annoncé soit « prolongé ad vitam aeternam » et cela trois mois à peine après les premières réunions, interpellations, prises de position et manifestations publiques.
Toutefois, ce moratoire est loin d'être acquis car aussi bien François Fillon, qu'Éric Besson et Nathalie Kosciusko-Morizet ne se sont jamais engagés par écrit ; ils n’ont fait que des déclarations orales et nous savons que les promesses des politiques n’engagent que ceux qui les écoutent. En outre, n’oublions pas que lorsque notre ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargée de l’affaire, s’est rendue à Sarlat, elle a déclaré de manière très ferme : « Je ne peux pas abroger les permis déjà accordés car le code minier ne l'autorise pas ». Elle l’a répété à maintes reprises et il est facile de dégager sa responsabilité grâce à un « code » ou des « lois » incontournables.
Quant à l'étude que nos dirigeants attendent, elle a été confiée à leurs propres administrations et non à un organisme totalement indépendant. Et ces administrations ont déjà donné leur aval aux permis sans aucune étude.
Médiapart a révélé que des fracturations hydrauliques avaient déjà eu lieu sur la commune de Franquevielle, en Haute-Garonne, en mars et en avril 2007, ainsi que sur deux puits en Seine-et-Marne, et les compagnies Toreador et Hess ne cachent pas leur intention de reprendre leurs travaux de forage dès le 15 avril, date où la mission d'études rendra un rapport intermédiaire.
Le 29 mars 2011, Maxime Combes, membre de l'AITEC (Association Internationale de Techniciens, Experts et Chercheurs) et engagé dans le projet « écho des Alternatives », signalait : « A quelques dizaines de kilomètres de Paris, on s'apprête à jouer à pile ou face avec l'eau potable de 10 millions d'habitants. Christian Jacob, député de la 4e circonscription de Seine-et-Marne, concerné directement par le pétrole de schiste, ne parle que de gaz de schiste. Pourquoi ? Selon l'Institut Français des Pétroles (IFP), 60 à 100 milliards de barils de pétrole, soit l'équivalent de 70 à 120 années de production du Koweït, dormiraient sous le sol parisien. De quoi attiser les convoitises. Au point d'essayer de troquer un moratoire sur les gaz de schiste des trop rebelles Ardèche, Cévennes et Larzac contre une paisible exploitation de l'or noir du bassin parisien ? On n'ose l'imaginer. […] »
Il faut ajouter à tous les polluants, la radioactivité dont on parle tant actuellement. Aux États-Unis, Ian Urbina, journaliste au New York Times, a pu récemment se procurer des documents concernant les quantités de radium trouvées dans l'eau polluée par les forages et qui dépassent dans certains endroits plusieurs milliers de fois les limites légales. Dans l'état de Pennsylvanie, ou les forages se sont multipliés au cours des dernières années, certaines entreprises vendent cette eau qui est particulièrement salée pour déglacer les routes en hiver ou supprimer la poussière en été, ce qui représente un grand danger pour les riverains et la vie aquatique.
La CRIIRAD (Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité) souligne à son tour les risques radioactifs de l'exploitation des gaz de schiste et identifie les principaux phénomènes de pollution radioactive engendrés par cette ressource nouvelle : du radium dans le tartre des canalisations, la contamination des nappes suite à la fracturation hydraulique, le rejet d'effluents radioactifs liquides lors de la remontée des fluides de forages, et l'émanation de radon.
Elle dénonce également la mission d'analyse des enjeux économiques, sociaux et environnementaux des gaz de schiste qui a été confiée au CGEDD et au CGIET, organismes ayant « obligatoirement été consulté avant l'attribution de chaque permis d'exploration », et pour lesquels « le conflit d'intérêt est manifeste ».
Quant aux quantités d’eau utilisées, elles sont démentielles : 10 000 à 20 000 m3 par injection (il faut plus de 10 injections par forage). Cette eau, entièrement polluée, est ensuite récupérée en partie et recyclée, mais une autre partie pénètre inévitablement la nappe phréatique accompagnée des nombreux additifs chimiques avec d’évidentes conséquences nocives pour l’ensemble de la chaine alimentaire et notre santé.
Un enfant de cinq ans comprendrait le danger de cette fracturation hydraulique, mais un enfant n’a pas encore l’esprit déformé par le goût du pouvoir et de l’argent.