Centrale hydroélectrique à Val-Jalbert : Un éléphant blanc à l’horizon : le projet doit être refusé.

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Les citoyens n’ont pas eu l’heure juste quant aux bénéfices réels et aux impacts sur l’environnement du projet de centrale hydroélectrique sur le site patrimonial du Village historique de Val-Jalbert, constate la Fondation Rivières. Dans sa forme actuelle, le projet assècherait la rivière Ouiatchouan sur près d’un kilomètre en haut de la chute : il ne subsisterait qu’un mince filet d’eau de 0,3 mètre cube par seconde, et ce environ 79 % du temps. Les chutes Maligne et Ouiatchouan seraient ainsi réduites au silence pendant ce temps et les aires de reproduction de l’omble de fontaine, réduites à néant.

La Fondation a également découvert que le promoteur ne respecte pas son obligation de procéder par appel d’offres et de gérer le projet, qualifié de « 100 % public », en toute transparence et de façon concurrentielle. Il crée par conséquent un véritable bar ouvert pour les honoraires d’ingénieurs et autres professionnels. Le promoteur a ainsi attribué un contrat de gré à gré de plusieurs centaines de milliers de dollars, à un taux horaire, à la société en commandite

Développement Pekuakami Ilnuatsh (D.P.I.). Cette société fournit au promoteur les bureaux (loyer) et le personnel, incluant un conseiller technique dont la place d’affaires est au Costa Rica.

D.P.I. gère également Minashtuk une centrale de 12 mégawatts qui assèche une portion du lit de la rivière Mistassibi. Le promoteur avait d’ailleurs évité les audiences publiques en annonçant à l’époque un projet de 9,9 MW. Aucun titre de propriété n’avait encore été produit au MRNF en date du 11 février 2012, malgré que la centrale soit opérationnelle depuis l’an 2000!1 Les titres requis pour Val-Jalbert n’ont également pas été déposés.

Un autre mandat d’importance a été attribué au consortium BPR / Harvey-Tremblay pour les études préliminaires et les plans et devis. Le contrat prévoit cependant l’ajout de tous les honoraires supplémentaires requis, sur une base horaire, pour toute autre activité, notamment la surveillance des travaux ! L’utilisation de tels contrats est déjà sous enquête dans le projet de centrale hydroélectrique sur la rivière Jacques-Cartier, à Shannon.

« Le promoteur veut assécher la rivière sans avoir évalué et communiqué clairement à la population les impacts sur l’environnement. Le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs a court-circuité les procédures d’analyse en n’attendant pas l’avis du secteur Faune qui relevait de sérieux problèmes. Et Hydro-Québec achèterait l’électricité à un prix correspondant à deux fois le prix de vente, contribuant à la hausse des tarifs résidentiels d’électricité pour les consommateurs : les pertes pour Hydro-Québec Distribution sont estimées à près de 40 M$ sur 20 ans. Le promoteur a par ailleurs présenté des informations économiques incomplètes et trompeuses, notamment sur la rentabilité du projet en n’actualisant pas les coûts.

Et de surcroît, le barrage et la centrale seraient situés dans un majestueux parc constituant un site patrimonial répertorié. Au final, les lieux s’apparenteront davantage à un parc industriel et le parc sera amputé d’attraits naturels en toute saison», résume Alain Saladzius de la Fondation Rivières.

En ce qui concerne les dépassements de coût anticipés, il faut savoir que le promoteur présente aux citoyens depuis 2 ans des estimations de 2009 non-actualisées. Déjà, à partir de ces données, le document DA15 déposé au BAPE montre des bénéfices réels par MRC beaucoup moins élevés qu’annoncés. Par exemple, à la dixième année, ils ne seraient que de 231 501 $ (8,42 $ par citoyen par année) et non de 414 583 $. Sur 20 ans – la durée du contrat avec Hydro-Québec – les bénéfices projetés baissent ainsi drastiquement de 30 à 13 M$.

Malgré son engagement de transparence, le promoteur n’a pas rendu publiques les estimations détaillées de coûts sous forme de bordereau de travaux de soumission, comme l’avait demandé la Fondation Rivières en février dernier. De plus, en mai 2011, contrairement au libellé du règlement d’emprunt, les membres des conseils des deux MRC ont voté sans avoir en mains le plan d’affaires de Samson Bélair/Deloitte & Touche (il est daté de juillet 2011). D’ailleurs, la date de production des projections financières (le 29 juin 2011) porte à croire qu’elles n’étaient pas disponibles lors du vote. Le vote sur le règlement d’emprunt fut par conséquent basé sur des estimations de coûts datant de 2009, incluant des imprévus à la hauteur de seulement 10 % (habituellement 20 % à ce niveau d’avancement) et omettant la TVQ de 9,5 %. Ensemble, ces deux éléments sous-estiment le coût du projet de 20 %.

Nous regrettons aussi de voir que les demandes des représentants des ministères de la Culture et des Ressources naturelles ont été ignorées par le promoteur en ce qui concerne la protection de l’habitat du poisson et le respect du caractère patrimonial du site. Malgré cela, il fut tout de même décidé par la Direction des évaluations environnementales que l’étude d’impact était recevable compte-tenu de l’« échéancier très serré » qu’ont dicté les autorités ministérielles au MDDEP.

Une centrale « à l’allure contemporaine » construite à proximité du Vieux Moulin, en plein coeur d’un village figé en 1927 ne constitue-t-il pas un anachronisme flagrant ? L’investissement de 19 M $ en 2009 des gouvernements du Québec et du Canada en vue de mettre en valeur ce site patrimonial, la 2e attraction touristique de la région, n’est-il pas compromis ? Qu’en pensent les ministères ayant dédié un tel budget sur ce joyau historique ? Les touristes venant de l’extérieur de la région (81 % des visiteurs) et payant 24 $ en droits d’entrée, continueront-ils d’affluer pour voir une « chute à piton » et une rivière artificialisée ? Ne détruit-on pas aussi une opportunité de développement dans le tourisme de plein air ? Le BAPE aura-t-il le courage, comme en 1994, de s’affranchir des stratagèmes de relation publique du promoteur et de refuser un projet qui pourrait devenir un véritable éléphant blanc ?

Le mémoire de la Fondation présente aussi plusieurs photos de rivières asséchées par des minicentrales, notamment celle de Minashtuk, et les recommandations de la Commission d’enquête Doyon sur les producteurs privés de 1997. Il peut être consulté sur le site du BAPE à l’adresse suivante : http://www.bape.gouv.qc.ca/sections/mandats/riviere_ouiatchouan_val-jalbert/documents/DM32.pdf

 

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