Trouver dans le passé les racines de l’avenir

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C’est bien connu, au cours du siècle dernier, les Canadiens-Français étaient nombreux à être agriculteurs. Chaque maisonnée avait son jardin et, même si les oranges n’étaient offertes qu’à Noël, même si l’hiver pouvait être long à ne manger que des légumes-racines, il y avait, en contrepartie, pour une même espèce bien plus de variétés.

J’ai entendu un jour ma grand-mère dire qu’en son temps, les légumes étaient plus savoureux, qu’ils se conservaient plus longtemps. Une allégation que je n’ai pas pris le temps de corroborer avec la littérature scientifique, mais j’aurais tendance à croire que c’est vrai… En explorant le thème des semences artisanales, on apprend que notre biodiversité agricole se perd, que le phénomène est mondial. Or, des gens passionnés réussissent in extremis à sauver de l’extinction plusieurs variétés patrimoniales, à les conserver et les faire revivre. 

Par ailleurs, ces variétés anciennes auraient une capacité unique à faire face à l’adversité – celle d’un climat changeant ou extrême, ou l’arrivée de nouveaux pathogènes. Se pourrait-il alors que ces semences ancestrales soient en fait de petits lingots d’or ?

En voie d’extinction

Le saviez-vous ? Au Canada, des 7098 variétés de pommes recensées entre 1804 et 1904, 86 % auraient disparu. Quant aux choux, aux pois, au maïs et aux tomates, la proportion de cultivars canadiens anciens éteints varie de 81 % à 95 % selon les espèces, relève l’organisme Semences du patrimoine, spécialisé dans la conservation et la mise en valeur des semences ancestrales. À l’échelle mondiale, c’est 75 % de la diversité des cultures qui aurait disparu au cours du XXe siècle, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). 

Pollinisation libre c. hybrides

À travers le temps et leurs parcours migratoires, des plantes sauvages ont été domestiquées et façonnées par nos ancêtres ce qui a permis le développement d’innombrables cultivars adaptés à des conditions locales spécifiques et aux préférences culinaires de leurs propriétaires. « Les semences ancestrales sont des semences familiales qui répondent à une localité très précise et à un goût », explique la semencière artisanale de Terre Promise, Lyne Bellemare. Avec leurs parents sauvages, ces variétés cultivées seraient les plus riches dépositaires de la diversité génétique, selon la FAO. 

Pour être fécondées, le pollen de ces variétés anciennes, ou cultivars à pollinisation libre, est transporté par le vent, les abeilles ou d’autres pollinisateurs indigènes. Ces semences peuvent être ressemées d’une année à l’autre et sont fidèles au plant mère.

Or, dès les années 1950, les cultivars à pollinisation libre ont graduellement été délaissés au profit de variétés dites « hybrides », c’est-à-dire d’un croisement entre deux lignées pures et exigeant le plus souvent le concours de l’homme. Ils ont l’avantage d’être « vigoureux » (phénomène hétérosis), mais leurs descendants seront éclectiques et instables, raison pour laquelle les agriculteurs rachètent le plus souvent des semences l’année suivante. Rapidement, le processus d’hybridation permet de développer les caractéristiques voulues chez une plante, par rapport à la pollinisation libre.

Pourquoi les avoir préférées ?

Les variétés hybrides ont été développées au cours de la Révolution verte et ont été sélectionnées pour leur compatibilité avec une agriculture de type industriel. Elles ont certainement des avantages : « Les hybrides que je cultive – parce que j’en cultive quelques uns – peuvent donner certaines performances intéressantes. […] C’est plus facile de planifier un calendrier de production avec les hybrides, il y a plus de précision sur le temps pour arriver à maturité », explique Yves Gagnon qui, de pair avec sa conjointe Diane Mackay, a mis sur pied l’une des premières semencières artisanales du Québec, Les Jardins du Grand-Portage« Les hybrides sont plus stables et uniformes. Et de nos jours, c’est ce qu’on recherche en agriculture : il faut que ça rentre dans le tracteur, que ce soit prêt en même temps, que la tomate soit ronde et supporte bien le transport », poursuit Mme Bellemare. Elles sont donc commodes ces hybrides.

Là où il y a avantage, il y a inconvénient

Or, que ce soit parce qu’ils ont été sélectionnés pour leur haut rendement ou parce qu’ils sont exposés à plus d’engrais, il semblerait que les cultivars modernes qui poussent plus vite et qui sont plus gros n’acquièrent pas nécessairement des nutriments à un taux aussi rapide que leur croissance, selon le Dr Donald R. Davis, dans son article intitulé Trade-Offs in Agriculture and Nutrition. Ce dernier a étudié la composition nutritionnelle de fruits et de légumes de 43 jardins aux États-Unis, de 1950 à 1999. Il aurait observé que, pour 13 nutriments étudiés, 6 ont vu leur concentration médiane diminuer : protéines (-6 %), phosphore (-9 %), fer (-15 %), calcium (-16 %), vitamine C (-20 %), riboflavine (-38 %). Les plantes feraient des compromis ; par exemple, entre le nombre de leurs graines et leur grosseur ou entre le taux de croissance et la résistance aux maladies.

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Source : Epoch Times

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